L’avion de transport supersonique franco-britannique Concorde 001 a décollé pour la premières fois dans l’après-midi du 2 mars 1969 à Toulouse. L’équipage comprenait Mrs André Turcat (directeur des essais en vol de Sud-Aviation, pilote), Jacques Guignard (copilote), Henri Perrier (ingénieur navigant) et Michel Retif (mécanicien navigant). Prévu initialement pour le 1er mars, ce vol avait été reporté en raison des mauvaises conditions atmosphériques. Dans la matinée du 2 mars, un épais brouillard recouvrait l’aérodrome, mais le ciel s’éclaircit en début d’après-midi, le vent restant néanmoins assez faible.
Après les dernières vérifications, les quatre réacteurs Rolls-Royce/SNECMA Olympus 593 furent mis en route et l’appareil se dirigea vers l’extrémité de la piste de 3500 mètres spécialement aménagée pour les essais ; il était 15h30.
Au moment de quitter l’aire de stationnement l’appareil pesait 113 tonnes ; il décolla à 175 noeuds après avoir roulé un peu moins de 1500 mètres. Les réacteurs ne fonctionnaient pas à plein régime, mais la réchauffe avait été allumée et Concorde 001 entama la montée avec un angle d’attaque d’environ 20°. Pendant toute la durée du vol, le nez basculant, la visière et le train d’atterrissage furent maintenus en position basse. Un Gloster Meteor d’accompagnement et un Morane Saulnier Paris équipé pour la photographie escortaient l’appareil.
Après avoir atteint 10.000 pieds d’altitude et la vitesse maximale de 250 noeuds, l’appareil fut soumis à une série de manoeuvres en lacet et en roulis à diverses vitesses jusqu’à 160 noeuds. La trajectoire de vol était contrôlée par deux centrales de navigation à inertie SAGEM-Ferranti SF500-AE51 et tout trafic aérien avait été interdit dans la région. Après un circuit vers la gauche, l’équipage procéda aux essais de l’automanette, puis présentera l’avion dans l’axe de la piste à la vitesse de 180 noeuds en utilisant l’automanette. L’appareil se posa en douceur à 170 noeuds et, grâce à son parachute de freinage s’immobilisa après un roulement de 2000 mètres environ. Son poids à l’atterrissage était de l’ordre de 99 tonnes. Une approche simulée et une remise des gaz avaient été prévues dans le plan de vol, mais le vent devenant plus fort, André Turcat décida d’atterrir tout de suite. Le nez fut relevé en position intermédiaire pendant le roulage vers l’aérogare
A la conférence de presse qui suivit, André Turcat déclara : “Vous voyez que la machine vole, et je peux ajouter qu’elle vole bien”. Il souligna également que grâce à un entraînement intensif, près de mille heures sur simulateur et de nombreuses répétitions sur Mirage IV et Boeing 707, il savait ce qui l’attendait.
Avant le 1er vol, Henri Ziegler, président-directeur général de Sud-Aviation et le Général Calmet, chef des relations publiques, ont souhaité la bienvenue aux visiteurs. Après le vol, l’équipage ne cache pas sa satisfaction. De gauche à droite, André Turcat (directeur des essais en vol et pilote du Concorde 001), Henri Perrier (ingénieur navigant), Michel Retif (mécanicien navigant) et Jacques Guignard (copilote).
Comme André Turcat l’a fait remarquer à la conférence de presse, ce premier vol n’est pas un accomplissement, mais le point de départ de l’un des programmes d’essais en vol les plus complets qui aient jamais été entrepris. Sept appareils (les deux prototypes, deux avions de présérie et les trois exemplaires de série) participeront à ce programme qui durera 4 ans et demandera plus de 4000 heures de vol. Dans les deux semaines qui ont suivi le premier vol, Concorde 001 a effectué trois autres vols. Lors de la deuxième sortie, le train d’atterrissage a été rentré et le nez basculant relevé en position intermédiaire (5° au-dessous de l’horizontale).
Le second prototype, Concorde 002, a effectué son premier vol le 9 avril entre Filton et Fairford. Nous venons d’apprendre que les deux appareils seraient présentés au Salon de Paris-Le Bourget du 29 mai au 8 juin), l’un au sol et l’autre en vol.
Le programme des essais de mise au point comprendra trois phases principales – développement, homologation et reconnaissance de routes. Les vols de développement, environ 1900 heures, seront principalement effectués par les prototypes. Les essais d’homologation prévoient environ 750 heures de vol ; enfin, les trois avions de série effectueront 1500 heures de vols de reconnaissance de route. Pendant ce temps, deux cellules complètes, des tronçons de fuselage et des éléments structuraux seront soumis à des essais au sol. L’une de ces cellules sera utilisée pour des essais statiques au Centre d’Essais Aéronautique de Toulouse et l’autre pour des essais de fatigue au Royal Aircraft Establishment de Farnborough. Sud Aviation et BAC poursuivent l’étude du système de pilotage à l’aide des installations de simulation de Toulouse et de Filton. Pour accélérer l’échange des informations, les deux compagnies ont installé une ligne directe entre Toulouse
et Filton, pour la transmission de fac-similés et de messages télétypés.
A gauche, peu avant le premier vol, la Concorde Engine Support Organisation a été officiellement constituée à Londres. On voit ici M M. H. C. Conway de Rolls-Royce (à gauche) et J. Lamy de SNECMA signant l’accord). A droite, pour accélérer la transmission des informations entre Toulouse et Filton, Muirhead Ltd a réalisé un équipement spécial de fac-similés.
Les compagnies aériennes seront régulièrement tenues au courant des essais et auront la possibilité de faire connaître leurs besoins particuliers. La Concorde Engine Support Organisation, constituée à Londres par Rolls-Royce et SNECMA, s’occupera de toutes les questions relatives aux réacteurs Olympus 593. La question cruciale est de savoir si Concorde sera capable de relier Paris à New York sans escale avec une charge marchande de 11,3 tonnes et de soutenir en croisière une vitesse correspondant à Mach 2. BAC et Sud Aviation ne pourront pas répondre à cette question avant la mi-1970 et les 16 compagnies aériennes qui détiennent 74 options ne seront pas tenues de négocier des contrats de vente avant le milieu de l’année prochaine.
Ci-dessous, Concorde 001 lors de son deuxième vol avec train rentré et nez basculant en position intermédiaire (5° sous l’horizontale).